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Les femmes jouaient un rôle non négligeable dans l’enseignement dans les mosquées. Les sources historiques font état de dizaines de cercles d’enseignement animés par des femmes
Les femmes jouaient un rôle non négligeable dans l’enseignement dans les mosquées. Les sources historiques font état de dizaines de cercles d’enseignement animés par des femmes. Ainsi Umm ad-Dardâ’, Hujayma bint Huyay, tenait un cercle d’enseignement dans la mosquée de Damas. Elle rapportait les hadîth d’après Abû ad-Dardâ’, Salmân al-Fârisî et Fudâla ibn `Ubayda (que Dieu les agrée). Même un homme aussi haut placé que `Abd al-Malik ibn Marwân étudiait auprès d’elle : il fréquentait assidument ses cercles, même une fois devenu Commandeur des Croyants. Il s’asseyait « au fond de la mosquée de Damas. Elle lui dit : ‘J’ai appris que tu as bu du vin après l’adoration et la prière.’ Il répondit : ‘Oui, par Dieu, et j’ai aussi bu du sang.’ Puis un jeune serviteur qu’il avait envoyé pour quelque affaire le rejoignit, et il lui dit : ‘Pourquoi as-tu mis si longtemps, Dieu te maudisse ?’ Umm ad-Dardâ’ lui dit : ‘N’agis pas ainsi, Commandeur des Croyants. J’ai entendu Abû ad-Dardâ’ dire qu’il avait entendu le Prophète (paix et salut à lui) dire : Celui qui maudit les gens n’entrera pas au paradis…’ »[1]
Ibn Battûta relate encore dans sa Rihla qu’il entendit le Sahîh de l’imam Muslim dans la mosquée des Omeyyades à Damas de la bouche de l’érudite et cheikh Zaynab bint Ahmad ibn `Abd ar-Rahîm (morte en 740H) et qu’il avait reçu une autorisation d’enseigner de la part de l’éminente cheikh `Aïcha bint Muhammad ibn Muslim al-Hirânî (morte en 736H), qui enseignait Fadâ’il al-awqât de l’imam al-Bayhaqî.[2]
Les étudiants se pressaient de partout dans ces mosquées où tout était fait pour leur faciliter l’étude et leur permettre de s’y consacrer. On subvenait à leurs besoins, on leur construisait des logements et on leur offrait de l’argent.[3] Nous présenterons ci-dessous quelques-unes des plus célèbres :
La mosquée des Omeyyades à Damas : construite par al-Walîd ibn `Abd al-Malik, il s’y tenait divers cercles d’enseignement. Les malékites enseignaient d’un côté, les chaféites d’un autre. Al-Khatîb al-Baghdâdî attirait un important auditoire à qui il enseignait le hadîth. Outre les sciences religieuses, on y enseignait la grammaire et les lettres, mais aussi le calcul et l’astronomie.
La mosquée de `Amr ibn al-`As à Fustât en Egypte : Il s’y tenait plus de quarante cercles d’enseignement fréquentés par de nombreux étudiants, dont le cercle de l’imam ash-Shâfi`î. Au milieu du quatrième siècle de l’hégire, il y avait jusqu’à cent dix cercles, dont certains réservés aux femmes. On y institua ensuite le système des ijâza (licences d’enseignement) selon lequle l’étudiant ayant reçu une licence pouvait enseigner à son tour les livres de son maître.[4]
La mosquée d’al-Azhar au Caire : achevée en 361H, elle est devenue le principal centre d’enseignement du monde musulman. Les califes lui ont consacré des fondations pieuses pour financer des enseignants dans toutes les branches du savoir. Grâce à l’immense renommée dont jouissait la mosquée d’al-Azhar et aux facilités qui y étaient accordées aux étudiants, on y affluait de partout. Ainsi, al-Maqrîzî indique qu’en 818H/1415, les étudiants d’al-Azhar étaient au nombre de sept cent cinquante hommes, originaires de contrées non-arabes ou de Zeila,[5] de la campagne égyptienne ou d’Afrique du nord, et chaque groupe avait une alcôve appelée de son nom.
Le rayonnement scientifique de cette mosquée s’est poursuivi au cours de l’histoire : des siècles durant, elle a formé des savants, publié des ouvrages et été un centre important de diffusion du savoir.[6]
La mosquée az-Zaytûna à Tunis : achevée à l’époque des califes omeyyades, elle a été fondée par l’émir `Ubaydallâh ibn al-Habhâb, gouverneur d’Afrique du nord pour le calife Hishâm ibn `Abd al-Malik. La mosquée fut ensuite considérablement agrandie en 250H/864, à l’époque des Aghlabides, par Ziyâdat Allâh ibn al-Aghlab. D’éminents savants enseignaient des sciences diverses dans cette mosquée-université d’un haut niveau d’excellence. On peut citer parmi eux `Abd ar-Rahmân ibn Ziyâd al-Ma`âfirî[7], un éminent spécialiste du hadîth, Abû Sa`îd Sahnûn at-Tanûkhî, l’imam al-Mâzirî[8], et bien d’autres encore.
Les étudiants y affluaient de toutes parts pour acquérir la science. On y enseignait les ouvrages d’exégèse, de hadîth, de jurisprudence, de grammaire. Al-Hashâ’ishî[9] décrit en ces termes la situation scientifique de la mosquée az-Zaytûna : « On y pratiquait toutes les sciences, de la raison comme de la tradition, théoriques comme pratique. On disait que devant presque chacun de ses piliers se tenait un enseignant, et que ses réserves renfermaient plus de deux cent mille ouvrages. »[10]
La mosquée al-Qarawiyîn : Cette mosquée illustre a été fondée dans la ville de Fès au Maroc en 245H/859, à l’époque de la dynastie Idrisside. En 322H/934, le prince Ahmad ibn Abî Bakr az-Zanâtî entreprit son agrandissement. Au début du sixième siècle de l’hégire, la mosquée fut encore agrandie, devenant un centre d’une importance considérable. Grâce au haut niveau scientifique de cette mosquée-université, les étudiants y affluaient de toutes parts pour acquérir le savoir. Cette mosquée était dotée d’un budget spécifique, grâce aux fondations qui lui étaient consacrées et aux subventions et dons que lui allouaient les princes ou d’autres personnages. La renommée de ce centre scientifique était telle que les étudiants y venaient de divers autres pays et même d’Europe. On sait ainsi que l’évêque Gerber[11], qui devint plus tard le pape Sylvestre II (999-1003), étudia à la mosquée d’al-Qarawiyîn après avoir étudié à la mosquée de Cordoue.[12]
[1] Ibn Kathîr, al-Bidâya wan-nihâya 9/66.
[2] Ibn Battûta, Rihlat Ibn Battûta, p. 70 ; as-Sadfî, al-Wâfî bil-wafayât 16/348.
[3] Voir `Abdallâh al-Mashûkhî, Mawqaf al-islâm wal-kanîsa min al-`ilm, p. 54.
[4] Rahîm Kâzim Muhammad al-Hâshimî et `Awâtif Muhammad al-`Arabî, al-Hazâra al-`arabiyya al-islâmiyya, p. 150.
[5] Ibn Kathîr, al-Bidâya wan-nihâya 11/310.
[6] Voir `Abdallâh al-Mashûkhî, Mawqaf al-islâm wal-kanîsa min al-`ilm, p. 57.
[7] `Abd ar-Rahmân ibn Ziyâd ibn An`am al-Ma`âfirî al-Ifriqî (75-161H/694-778), célèbre pour l’audace avec laquelle il blâmait les souverains coupables d’injustice. Né à Barqa où il grandit, il exerça à deux reprises la fonction de juge à Kairouan.
[8] Abû `Abdallâh Muhammad ibn `Alî ibn `Umar al-Mârizî (453-536H/1071-1141), spécialiste du hadîth, juriste et homme de lettres, auteur entre autres de Nuzum al-fawâ’id fî `ilm al-`aqâ’id. Voir adh-Dhahabî, Tadhkirat al-huffâz 1/52, et Kahâla, Mu`jam al-mu’allifîn 11/32.
[9] Muhammad ibn `Uthmân al-Hashâ’ishî ash-Sharîf Fâdil (1271-1330H/1855-1912), érudit tunisien qui était chargé de la supervision de la bibliothèque scientifique de la mosquée az-Zaytûna. Voir az-Zarkalî, al-A`lâm 6/263.
[10] `Abdallâh al-Mashûkhî, Mawqaf al-islâm wal-kanîsa min al-`ilm, p. 55.
[11] Voir pour plus de détails `Abd al-Hâdî at-Tâzî, Ahad `ashar qarnan fî jâmi`at qazwîn, p. 19.
[12] `Abdallâh al-Mashûkhî, Mawqaf al-islâm wal-kanîsa min al-`ilm, p. 56.
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